La prise du pouvoir par Nicolas Sarkozy, du grand art...

Publié le par Freddy Spira

La stratégie politique ne s'improvise pas. Nicolas Sarkozy et la droite viennent d'en donner une preuve éclatante qui relève du Grand Art. Cette offensive  a manifestement été pensée et échafaudée de longue date. Ses conséquences néfastes pour le pays seront durables.

En 1995, les rapports de force politiques n'ont pas permis la mise en place d'une vraie politique de droite. Après deux septennats de François Mitterrand, la droite est divisée (Balladur se présente contre Chirac), la gauche est encore forte (Jospin est en tête au premier tour de la présidentielle et réalise un score " honorable " au second tour, 47,4%). Le gouvernement Juppé tente de faire passer en force une politique sociale dure, et c'est rapidement l'échec face à une gauche unie et à des syndicats forts. En peu de mois, les espoirs de durcissement social et économique  portés par Jacques Chirac s'effondrent, la dissolution ratée de 1997 ramène la gauche au pouvoir, et neutralise le président jusqu'à la fin de son second mandat. Il ne restera provisoirement dans les mémoires que pour sa reconnaissance des erreurs tragiques de l'Etat français,  sa vision de la politique au Moyen Orient opposée à Bush et pour son discours incantatoire sur les menaces environnementales, puis son souvenir s'effacera rapidement.

Fort de ces enseignements, Nicolas Sarkozy prépare sa campagne dès 2002 et la lance effectivement dès 2004, en prenant la tête de l'UMP. Ses objectifs politiques sont clairs. Ce sont ceux de la droite conservatrice classique. Ils se pareront d'autant plus facilement de l'apparence de la rupture que Chirac n'a rien fait dans ces domaines. Ils seront  élaborés de longue date par un vrai travail idéologique de fond et dévoilés progressivement : profondes évolutions dans les domaines du social (l'identité nationale), du travail (la flexibilité), de l'économique (moins d'impôts pour les plus favorisés), du judiciaire (peines planchers, stigmatisation génétique), de l'éducation (introduction de la concurrence), de la santé (faire plus payer les malades), …..

 Les moyens pour y parvenir et les mettre en œuvre font l'objet de l'élaboration d'une stratégie politique de bouleversement des rapports de force qui, jusqu'à aujourd'hui, fonctionne sans faille.

D'abord, rassembler toute la droite (ce pour quoi l'UMP a été créée) en y fédérant les transfuges de l'UDF. Dans le même temps, mordre autant que faire se peut sur le FN en se positionnant sur son terrain (immigration, sécurité)  par une action volontariste au ministère de l'Intérieur (même si les résultats ne sont pas au rendez-vous) et un discours droitisé à l'extrême de ce qui est compatible avec la tradition démocratique française.

Ensuite, faire exploser la gauche, tout en tentant de se ménager les syndicats. D'abord, se revendiquer de la France éternelle (discours sans cesse répété, depuis l'investiture à la candidature du 14 janvier à celui de l'intronisation le 16 mai). Capter une partie de l'héritage de la gauche, bien commun de la République beaucoup plus développé que la pensée de droite souvent anti-républicaine, par des références incongrues à Jaurès, Blum, les hommages rendus à la résistance. Qui est contre moi est contre la France ! Attirer des têtes d'affiche de la gauche. Finkelkraut et Besson ne sont que les préliminaires d'une action plus volontariste. Dès le premier tour du 22 avril 2007 passé et la victoire considérée comme acquise, les opérations de débauchage à gauche s'amplifient. Dès le 22 avril au soir, on montre Tapie à la télévision (malheureusement il est ivre et commence par se tromper dans son soutien…mais n'est-ce pas bien français de boire un petit coup de trop ?).

Elles seront retardées de quelques jours par la menace d'un rapprochement Royal-Bayrou, qui échoue rapidement car trop improvisé dans la précipitation, sans véritable réflexion préalable. Puis on approche  Allègre, Ségala, d'autres moins " people ". Ceci s'amplifiera dès l'élection acquise le 6 mai. Pendant qu'on amuse la galerie avec le Fouquet's et l'escapade pour milliardaire à Malte, le travail de fond continue. Jusqu'à impliquer Védrine, le gardien du temple de la fondation François Mitterand, Jacques Attali, le confident, Anne Lauvergeon, la sherpa des derniers temps. Non seulement la gauche est KO debout, mais pendant qu'on la fait exploser de l'extérieur, elle implose de l'intérieur. Dès le soir du 6 mai, Dominique Strauss Kahn sonne l'hallali, de façon tellement violente qu'on ne comprend pas si c'est seulement contre François Hollande ou aussi contre Ségolène Royal (qu'il a pourtant soutenue) qu'il dirige sa colère. Fabius tente de jouer la sagesse de gauche…mais il n'y a plus de gauche organisée et Fabius n'est plus crédible.
 
Hollande tente de préserver son carré d'autorité, personne ne l'écoute, le PS se désorganise. Ségolène Royal a un seul but, rester au centre d'un jeu centrifuge.  Les prises de position détruisant la gauche fusent de toutes parts, jusqu'au Radicaux de gauche qui menacent de quitter le navire qui coule, les Verts qui pensent encore représenter une force politique autonome, les communistes qui pleurent leur passé et José Bové qui se tait, content de lui ! Pendant ce temps, Bayrou a été neutralisé pour les cinq ans qui viennent par le débauchage électoral de la quasi-totalité de ses députés et les menaces qui pèsent sur son propre siège à l'Assemblée.  Il semble (aujourd'hui) que finalement, suprême habileté, on adjoindra uniquement Kouchner  au gouvernement. Non seulement ceci permettra de se parer des habits de l'humanitaire à la face du Monde (les French doctors et un prix Nobel de la paix, ce n'est pas rien !), mais on le ligotera en créant un Conseil de sécurité extérieure et de toute façon, la politique étrangère est toujours dans le domaine réservé du Président !

Enfin, pour préparer complètement le terrain et ne pas prendre les risques d'un nouveau mois de décembre 1995 lorsqu'on passera aux choses sérieuses, c'est-à-dire aux décisions dures, il faut affaiblir les syndicats. S'ils le sont déjà par l'affaiblissement des partis de gauche, ce qui les privera de relais au parlement et dans la sphère politique, Sarkozy les reçoit avant même d'être officiellement investi. Non seulement il réussit à les endormir (provisoirement ?), mais ceux qui ne sont pas reçus (la FSU) le réclament ! Pendant ce temps, Sarkozy honore Guy Mocquet. Marie-Georges Buffet s'étrangle, mais il n'y a plus de PC et Sarkozy, c'est la France !

Les législatives qui arrivent laissent peu d'espoir pour un redressement de la gauche, sauf à espérer en une divine surprise…

Dans quelques semaines, le paysage sera ainsi planté pour cinq … ou dix ans. Le terrain aura été déblayé pour mettre en place cette politique anti-sociale, qui va creuser les inégalités.

S'il ne s'agit pas maintenant de refaire l'histoire récente, il faut néanmoins la comprendre pour éclairer le futur immédiat. 

La gauche (et elle se résume malheureusement presque exclusivement au PS) n'a pas, au cours des cinq dernières années, poussé la réflexion idéologique et les choix politiques comme elle l'aurait dû. Quels choix de société, quels moyens sociaux et économiques mobiliser, sur quelle stratégie politique s'appuyer ?  Faire des choix de rupture de gauche (lutter contre la dérégulation et la concurrence, pour une démocratie plus directe à l'échelle mondiale et des systèmes de protection sociale renforcés), allant à l'encontre de l'évolution de la plus grande partie de nos voisins européens ? Ou faire preuve de réalisme gestionnaire en optant pour une démarche plus modérée, tentant d'adjoindre des valeurs humanistes et sociales (lutter contre les inégalités) à un système économique dominé par un capitalisme mondial  dérégulé et une économie de marché, prônant la prééminence des capacités individuelles ?

La gauche n'a pas élaboré de stratégie pour lui permettre de réaliser des choix qu'elle n'a pas faits. La politique est affaire de rapports de force. Ils ne s'improvisent pas, ils se construisent. Autour d'idées, autour de personnes. C'est le travail qui doit être entrepris dès aujourd'hui. Il a débuté pendant les premières semaines de la campagne de Ségolène Royal, autour d'elle et sur les choix qu'elle a proposé. Mais il a largement été improvisé, car démarré trop tard, dans l'urgence. Les erreurs ont forcément été nombreuses.  Il peut maintenant être organisé, puis rendu opérationnel. Cinq ans sont vite passés, il y a urgence !

Freddy Spira

 

Publié dans Billet d'Humeur

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L
Ou t'a peché que ce vas en guerre de Kouchner avait un quelconque rapport avec le prix nobel de la paix.Ce monsieur à tenu des propos pour la guerre en Irak laissant entendre que ceux qui étaient contre frôlaient la débilité profonde.Vu la molesse de la position de Sarkozy à l'époque ces deux la vont bien ensemble.les actions de Koucner n'ont toujours eu qu'un seul but faire la promotion de lui même, comme celles de Sarko.
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