Daniel Schneidermann sur son blog, recadre les médias français... ou comment nos brillants journalistes ont séché l'UV "Investigation"...
Sur son Blog Daniel Schneidermann remet quelques pendules à l'heure
Scoop BBB : en avant-première mondiale, le programme de Royal
Ca c’est du titre vendeur, coco
mercredi 31 janvier 2007.
Allez, on va faire grimper l’audience. Plus de dix jours avant la date fatidique du 11 février, où éclateront dans leur grâce et leur luminescence les propositions de Ségolène Royal, le BBB, premier de toute la presse française, médias traditionnels, nouveaux médias, médias citoyens confondus, est en mesure de vous en livrer quelques grands axes. Accrochez-vous, ça va craquer.
Il ne vous a pas échappé qu’il y a comme des cafouillages, à droite, à propos du contrat de travail (en novlangue sarko-journalistique, ça ne s’appelle pas des gaffes, mais une "position évolutive"). Sur ce sujet, justement, Royal dira donc le 11 février que "le CDI doit redevenir la norme, le CDD et l’intérim étant réservés strictement à la couverture des besoins temporaires des entreprises, alors qu’en France ils sont davantage que dans la moyenne des pays de l’OCDE utilisés à couvrir des besoins permanents (10% des salariés sont en CDD ou en intérim)". Aux chômeurs, elle proposera un "contrat-relais leur assurant une rémunération, un bilan de compétences, une formation et une aide active à la recherche de son futur emploi."
Sur l’école ? Là encore, une proposition qui va faire du bruit : le 11 février, Royal proposera que les élèves de primaire aient davantage d’enseignants, au lieu d’un seul instituteur, tandis que les élèves des collèges devraient au contraire voir diminuer leur nombre de professeurs.
Si cela vous intéresse, le BBB est également en mesure de vous donner en avant-première les propositions de Ségolène Royal sur la prison, et sur le téléchargement.
Mais il y a une autre solution. Ces propositions, vous pouvez aller les lire vous-même. Car pour vous livrer ce scoop mondial, je ne suis pas allé fracturer les locaux de campagne de la candidate, ni m’emparer sur son bureau d’un gros dossier rouge, marqué "propositions ultra-secrètes, embargo absolu jusqu’au 11 février".
Je me suis rendu sur Désirs d’avenir, le site officiel de Ségolène Royal, à la page "synthèse des débats participatifs". Et je suis notamment allé lire les quatre textes intitulés "ce que je retiens", par Ségolène Royal.
Apparemment, je suis le seul journaliste à l’avoir fait. Ou presque (hommage soit rendu à Stéphane Colineau, de 20 Minutes, qui m’a donné l’idée).
Mais c’est le seul. Les autres, tous les autres, continuent à gloser en boucle sur ce débat qui ne vient pas, sur ces propositions absentes, etc. On se faisait la réflexion, lundi matin, à la réunion d’Arrêt sur images. Depuis le temps que Royal nous parle de ses débats participatifs, avez-vous vu au JT un reportage, un seul, sur un des cinq mille débats participatifs revendiqués par Ségolène Royal ? Il est vrai que les journalistes n’y sont guère aiguillés par les responsables de la campagne de Royal qui, (panique ? désorganisation ? manque de confiance dans leur propre concept ?) se gardent bien d’envoyer les médias vers les débats participatifs, ou les journalistes vers le site officiel. N’empêche. Même pour expliquer que ce chiffre de cinq mille est une tromperie absolue, que le concept est creux, sans intérêt, poudre aux yeux, tout ce que vous voudrez, ne pensez-vous pas qu’il faut au moins aller y voir ?
Mais je rêve. "Aller y voir", apparemment, c’est trop demander aux médias français, qui comme d’habitude, comme depuis toujours, préfèrent tendre leurs micros aux candidats, et gloser sur les sondages.